L’Espace Aiglon Indigo est un projet horticole d’avant-garde mis en place au Jardin Daniel A. Séguin de Saint-Hyacinthe à la saison 2018 grâce au partenariat du Jardin et d’Aiglon Indigo. Cet aménagement en plein cœur du Jardin Daniel A. Séguin permet de faire connaître davantage les espèces indigènes dans un cadre novateur au sein duquel les végétaux sont assemblés en tant que communautés végétales agencées en strates fonctionnelles. Ces strates permettent une occupation complète du sol, un effet de saisonnalité accentué et contribuent à structurer l’aménagement. La méthode de conception préconisée est adaptée des travaux de l’architecte paysagiste américain Thomas Rainer développé conjointement avec l’horticultrice Claudia West et ayant fait l’objet de l’ouvrage « Planting in a Post Wild World ».
Outre leur résistance naturelle et leur portée écologique bénéfique, les plantes indigènes évoquent les spécificités de notre climat et de nos paysages et permettent des créer des jardins et des lieux empreints d’un cachet local dont la valeur dépasse l’aspect ornemental et permet aux visiteurs d’éprouver souvenirs et attachement.
Les plantes du projet ont été choisies afin de jouer des rôles précis issus des concepts présentés dans l’ouvrage « Planting in a Post Wild World ». Elles ont été distribuées dans les différentes zones que nous avons déterminées afin de faciliter la composition du jardin. Ces zones établissent un partage de l’espace vu en plan, mais le projet établit également une distribution de l’espace en trois dimensions. L’approche développée par Thomas Rainier et Claudia West est des plus efficaces en ce sens. On y retrouve trois strates fonctionnelles, un peu à l’image des strates qui occupent l’espace en milieu naturel: une strate couvre-sol, une strate d’animation et une strate structurale. Ces strates fonctionnelles permettent également d’occuper l’espace de manière globale, hors du sol, par le port des plantes, comme dans la terre par leurs systèmes racinaires.
La strate la plus basse, dite couvre-sol est composée de plantes basses, de plantes couvre-sol, de graminées et de plantes apparentées. Elle est de première importance dans cette approche, car elle vise à recouvrir le plus possible la surface du sol et limite les possibilités pour des espèces indésirables de s’établir. Elle constitue de plus une toile de fond sur laquelle se déploient les autres espèces des autres strates.
Espèces de la strate couvre-sol :
La strate intermédiaire d’animation, comme son nom l’indique, vise à donner vie à l’espace, à l’animer et à faire en sorte que l’aménagement soit perpétuellement renouvelé et changeant. Elle recourt à des espèces dont l’intérêt est passager, mais spectaculaire, souvent des vivaces lors de leur floraison, mais aussi des plantes dont la coloration automnale est remarquable ou les fruits hors du commun.
Espèces de la strate d’animation :
La troisième strate est la strate structurale. Elle vise à donner forme à l’espace en accentuant les contours ou les éléments marquants, à diriger le regard ou encore à guider les déplacements. Cette strate peut aussi créer des conditions d’ombrage et d’ambiance qui aident à définir le lieu.
Espèce de la strate structurale :
La méthode par strate employée dans ce projet crée une superposition de trames végétales qui est relativement facile à représenter en plan, mais un peu plus difficile à réaliser sur le terrain. Ainsi, si les maianthèmes étoilés parmi les fraisiers entrelacés de carex et de deschampsies forment une mosaïque cohérente sur le plan, il en va tout autrement lorsqu’il faut planter les dechamspies à travers les carex, les fraisiers et les maianthèmes tout en maintenant le rythme et en respectant les distances!
De manière générale, un peu à l’image de la conception du plan, la plantation s’est effectuée par couches successives. Les arbres et arbustes de la strate structurale ont d’abord été plantés, puis ont suivi les espèces herbacées à plus grand développement qui constituent la strate d’animation. Une fois ces éléments en place, les plantes de la strate couvre-sol sont venues s’insérer en comblant les interstices. Le résultat : de grands massifs qui se superposent et s’entrecroisent afin d’occuper toutes les niches écologiques; cela autant en surface qu’au niveau des racines. D’ailleurs, cette approche est sensée sur le plan écologique. On imagine bien par exemple que les bulbes des lis du Canada qui émettent peu de racines fines seront bien épaulés par les racines fines et nombreuses des graminées voisines qui vont leur procurer davantage de fraîcheur en plus de protéger plus efficacement le sol.
Ces massifs imbriqués vont aussi permettre au jardin d’évoluer avec plus de flexibilité. Advenant qu’une espèce s’avère moins bien adaptée qu’attendu, ses voisines vont rapidement combler les lacunes et ainsi assurer un développement optimal. D’ailleurs, ce type d’aménagement est destiné à évoluer en souplesse. Il n’est pas question ici de retenir les massifs et les plantations figés dans le temps. Si des espèces se propagent au-delà des zones initiales de plantation ou au-delà des attentes en termes de vigueur, les jardiniers pourront choisir la façon d’aborder la situation en profitant de ces changements dynamiques. Ici, il est ici davantage question de gérer les plantations plutôt que de les maintenir.
La saison 2019 nous fournira déjà un aperçu du comportement des plantes dans l’espace et le temps. Suite au réveil du printemps, il y aura sans doute déjà quelques surprises dont nous vous ferons part à travers notre blogue, notre but étant de documenter l’expérience, mais également de vous faire profiter de ce formidable laboratoire.